Vue de l’exposition du Luxembourg Encouragement for Artists Prize (LEAP) | Rotondes, Luxembourg, 2020 | © photo : Lynn Theisen | Rotondes
La pratique artistique de Nina Tomàs se déploie à travers des écosystèmes dans lesquels elle confronte différents réseaux d’échange, d’énergie et de matière. Dans ses compositions picturales, l‘artiste aborde des problématiques économiques ou écologiques et témoigne d’événements personnels ou de portée plus large qui ont eu un effet sur l’humanité à un certain moment et qui l’affectent ou retiennent son attention. Cette compilation minutieuse d‘éléments s‘effectue par le biais de supports tels que le dessin ou la peinture. Elle transpose sur la toile des personnes qui ont eu un impact dans sa vie ainsi que des souvenirs de voyages qui l‘ont marquée.
Nina Tomàs met en corrélation des symboles et images d’un fonctionnement sociétal liés à sa propre expérience face au monde. Elle nous livre des bribes de sa mémoire qu’elle ordonne en zones bien définies, mais laisse les personnages ou les actes qu’elle révèle s’entremêler et créer eux-mêmes leurs propres narrations. Les récits mythiques ou scientifiques englobent son travail dans une cosmogonie qui lui est propre. Dans les toiles de Nina Tomàs, il y a quelque chose de spirituel, voire de mystique, à l’instar des oeuvres de Hilma af Klint, considérée comme la pionnière de I’abstraction et connue surtout pour ses séries de diagrammes colorés. Attentive aux forces métaphysiques, la peintre suédoise exécutait ses tableaux au fur et à mesure des formes schématiques issues de son paysage mental. On retrouve cette force dans les tableaux circulaires de Nina Tomàs, des alliages de formes presque anthropomorphes ou embryonnaires. Les éléments se confondent et se répètent dans un tourbillon.
On peut voir dans son travail le souvenir d‘un rêve, comme lorsque certaines anecdotes resurgissent au moment du réveil, que notre esprit flotte encore et que notre mémoire n‘arrive à se dévoiler qu‘à moitié. La confusion des instants et l‘amalgame dans les idées ne se révèlent qu’au fur et à mesure. Les différents paliers s‘entrelacent et I‘artiste joue avec ces strates de lectures dans l’accrochage physique de ses tableaux en adaptant ses toiles aux caractéristiques physiques du lieu qui les accueille, par exemple en choisissant de ne dévoiler qu’une face d’un tableau.
Réfléchir au format de l’oeuvre est une étape indispensable dons le travail de Nina Tomàs : il lui permet de définir Ie cadre de I’histoire. Certains endroits sur ses toiles sont très chargés, les traits de ses dessins sont minutieux. L’artiste alterne ces zones d’hyperréalisme avec des vides. Elle s’attarde sur certaines parties pour en flouter d’autres. Les formes peuvent devenir hybrides, les couleurs vives et libérées. La réalité physique du tableau est pour Nina Tomàs comme un habitat ou elle-même choisit de faire (re)vivre des souvenirs d‘événements et de gens. La présence du motif lui permet de confronter différentes cultures, de concevoir des paysages utopiques ou les individus et les peuples arrivent enfin à communiquer, à vivre ensemble au sein d‘un même espace. À nous d’essayer de tisser le fil de I’histoire, d’essayer de recoller les fragments d’un moment donné.
Eloi Boucher, 2020
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