Pour en revenir au titre de l’exposition qui nous occupe, Hibernation, il apparaît que l’altération du champ perceptif soit plutôt affaire d’engourdissement et de ralentissement des fonctions organiques du corps. Différente du sommeil, l’hibernation renvoie en effet à une phase de dormance, plus animale ou végétale qu’humaine. En cela, le titre de l’exposition introduit une double lecture : à la fois liée au cycle de la nature et des saisons, mais également à l’activité psychique humaine, comme l’indique les nombreuses représentations de coupes de cerveau, au rendu multicolores. À l’origine, cette technique d’imagerie scientifique cherche à élucider le mystère de la psyché, en un mot à rendre visible l’invisible. En s’emparant de ces images pour les broder sur du tissu, Nina Tomàs en fait un motif qui loin d’être uniquement décoratif, nous emmène à questionner cette intériorité.
Il convient toutefois de nuancer ce propos naturaliste sur la peinture ou du moins de le relativiser, en notant la présence au sein de cet environnement pictural très étudié de petits objets dont l’aspect immédiatement identifiable font basculer le fantasme du côté du trip. […] Si l’image est stupéfiant, pour paraphraser le poète Louis Aragon, gageons que la main, elle, peint ce que l’œil seul ne voit pas.
Septembre Tiberghien, 2022
Extraits du texte, « La main peint ce que l’œil seul ne voit pas », rédigé à l’occasion de l’exposition Hibernation à la Maison d’Art Actuel des Chartreux à Bruxelles, du 18 novembre au 17 décembre 2022.