Candy Floss Planet | Galerie Irène Laub | 2024

Vue de l’exposition Candy Floss Planet, 25.04 – 20.07.2024, Galerie Irène Laub, Bruxelles | © photo: Hugard & Vanoverschelde | Galerie Irène Laub

Vue de l’exposition Candy Floss Planet, 25.04 – 20.07.2024, Galerie Irène Laub, Bruxelles | © photo: Hugard & Vanoverschelde | Galerie Irène Laub

Candy Floss Planet | Galerie Irène Laub | 2024

En 2023, le télescope James Webb de la NASA révèle au plus près la texture incroyablement duveteuse de l’exoplanète WASP-107b, affectueusement surnommée planète « barbe à papa ». Cet astre aux contours étranges se situe aux confins de la constellation de la Vierge… 

Aussi attirante et énigmatique, l’exposition éponyme de l’artiste Nina Tomàs (1989°, FR/LU vivant à Bruxelles et au Luxembourg) est elle aussi aux contours indéfinis, aux couleurs acidulées et aux accents légèrement sulfureux…Un univers à sonder minutieusement qui se révèle au regard progressivement.

Les œuvres récentes (2023-2024) ici présentées déclinent les nombreuses potentialités qu’offre la peinture tout en s’ouvrant à d’autres techniques : le dessin, la broderie, la céramique. Son travail est sans cesse changeant, protéiforme car l’artiste joue avec les composantes matérielles de ses œuvres comme la toile, le châssis ou le support de ses peintures qu’elle détourne, retourne et métamorphose à l’envi. Une conquête progressive vers d’autres plans, d’autres espaces possibles hors du cadre imposé. 

Elle bouscule toutes les normes liées à ce médium séculaire. Notamment par l’usage de références historiques comme l’allusion au Songe d’Innocent III par Giotto qu’elle réactualise en changeant l’image du pape en celle d’une jeune femme endormie, celle de la cathédrale de Latran en Eglise Saint-Barthélémy de Liège. Cette description d’un Songe mêle références tangibles et onirisme sans limites. Ailleurs, une nature morte aux saumons – véritable allusion à la chair – évoque l’œuvre de Luis Mendez (1716-1780) conservée au Prado. Vermeer, quant à lui, s’immisce dans La grotte au rideau par le détail d’une fenêtre ouverte… Ces influences picturales ont été modifiées et intégrées à sa propre histoire, à des images puisées dans son quotidien.  Une compilation minutieuse d’éléments, à la fois instinctive et critique.

Son travail mêle aussi, avec une grande méticulosité du geste et une extrême patience, des motifs répétés de lignes voire de trames, souvent issus de modèles textiles qu’elle associe à des fragments narratifs plus complexes.  Une hybridité de formes et de techniques qui se retrouve aussi dans les dessins de postures et les broderies renvoyant au yoga pratiqué quotidiennement par l’artiste. Une autre référence conjointe s’y superpose car ces postures de flexions arrières – supposées guérir le système nerveux – proviennent en réalité de photographies de femmes aux corps tiraillés par la maladie révélée par Charcot. Ce neurologue français dirigea le « service des hystériques » à l’Hôpital de la Salpétrière à Paris où se déroulait, chaque année, le controversé Bal des folles dont on retrouve ici un écho inspiré d’un dessin de presse de José Belon (« Le Monde illustré », 1890). Cet événement mélangeait les supposées aliénées au tout-Paris, le temps d’une soirée.

Entre mouvement corporel et féminité affirmée, le Mula bandha évoque la contraction bénéfique des muscles du périnée, véritable verrou physique et énergétique présenté sous la forme d’une serrure à ouvrir, une allusion au sexe féminin qui se dévoile aussi sur les œuvres Lip Gloss ou Lespugue. Ailleurs, on retrouve des évocations beaucoup plus abstraites figurant une tempête à la surface de Jupiter voire des sucettes rendues non identifiables, devenant quasi organiques.

Diverses composantes d’une œuvre qui reliés bout à bout portent un regard singulier sur la diversité d’une société constamment changeante qui se métisse par voie de globalisation. Un monde de possibles à scruter de loin puis de près modifiant perpétuellement notre rapport à ce qui est montré, à ce qui est révélé.

Catherine Henkinet, 2024
Commissaire d’exposition et critique d’art A.I.C.A.

Vues de l’exposition Candy Floss Planet, 25.04 – 20.07.2024, Galerie Irène Laub, Bruxelles | © photo: Hugard & Vanoverschelde | Galerie Irène Laub

La grotte au rideau, 2023
57,5 x 71 cm
huile, acrylique, crayons de couleur, graphite et feuille d’or sur toile, acrylique et feuille d’or sur cadre
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub
Capricieuse, 2023
120 x 120 cm
broderie sur textile
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub
De la neige et du charbon, 2024
2 toiles de 200 x 150 cm
huile, acrylique, crayons de couleur, graphite, pastels, fusain et broderie sur toile et textile imprimé
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub
Instables, 2024
8 cadres de 21 x 28 cm
graphite sur papier
© photo: Hugard & Vanoverschelde | Galerie Irène Laub
Fragments (Georgia), 2023
dessin: 21 x 10 cm, céramique: 12 x 8 cm
crayons de couleur et encre sur papier, acrylique et crayon sur mur, céramique
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub
Instables 4, 2024
21 x 28 cm
graphite sur papier
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub
Instables 6, 2024
21 x 28 cm
graphite sur papier
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub
Le bal des folles, 2023
20 x 30 x 6 cm
huile, crayons de couleur, graphite, feuille d’or et plumes sur bois
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub
Mula Bandha, 2023
38 x 39 cm
huile et crayons de couleur sur bois
© photo: Amélie Bataille | Galerie Irène Laub